Ma langue maternelle va mourir
T13 / Bibliothèque
Voici le joyeux pari que s’est fixé Yannick Jaulin en compagnie du musicien Alain Larribet : parler, disserter, digresser sur la fabrication du français siècle après siècle. Et, à travers cette fabuleuse histoire des langues, trouver le chemin de sa propre identité. Une vibrante déclaration d’amour à la parole et aux mots.
Cette fois, Yannick Jaulin se fait plus politique. Dans Ma langue maternelle va mourir, l’artiste part de son enfance et de son parlange maternel des Deux-Sèvres pour dénouer les ls de la domination que cache, à peine, l’histoire des langues non nationales. Des langues estampillées minoritaires, des parlés méprisés, des oralités menacées de mort annoncée. Des langues en danger face aux langues dominantes qui, comme le soulignait Bourdieu, symbolisent un pouvoir qui ostracise l’autre. Quitte à réécrire l’histoire et nous faire croire que l’Amérique latine n’a jamais parlé qu’espagnol et la France que le français. Lui, Yannick Jaulin, chérit le génie de ces parlés, leur inventivité, leur plasticité… Cela devient une ode, parfois mélancolique, souvent pleine d’humour. A l’évidence un plaidoyer.
Pour le faire, il réveille ses souvenirs d’enfance. Devient conférencier consultant quelques notes sur un lutrin. Prend des allures de chroniqueur s’amusant des clins d’œil de l’actualité. Joue le « plouc », se transforme en peintre précis des chemins de campagne avant de lancer un pas de danse ou de laisser écouter la musique et les chants d’Alain Larribet. La voix de son compère, avec un grain nasal venu des hauteurs du Béarn, semblant être la complainte intemporelle de toutes les langues oubliées ou en danger.
Bien sûr, dans sa grande marmite, l’artiste met aussi ses légumes fétiches. Comme ces personnages et histoires ancrés dans sa terre natale serpentant des Deux-Sèvres à la Vendée. Ils cohabitent naturellement avec les grands mythes du monde décryptés pour les nuls ou les citations de quelques grands noms de la pensée et de la langue.
Finalement, ce mélange de légèreté et d’érudition, de rappels historiques et d’anecdotes souriantes, sonne comme un hymne à la diversité et à la di érence. Pas étonnant qu’à la n du spectacle, quand les spectateurs reprennent la parole, on entende des mots de roumain, de berbère ou de breton. Avec Ma langue maternelle va mourir, tous les mots et toutes les langues reprennent vie. Gilles Kerdreux
Ma langue maternelle va mourir
et j’ai du mal à vous parler d’amour
de et par Yannick Jaulin
Accompagnement musical Alain Larribet
Collaboration à l’écriture Morgane Houdemont et Gérard Baraton, Composition Alain Larribet,
Regards extérieurs Gérard Baraton & Titus
, Création lumière Fabrice Vétault
, Création son Olivier Pouquet
Production Le Beau Monde ? Compagnie Yannick Jaulin. Coproduction Les Treize Arches, Scène conventionnée de Brive ; Théâtre de Gascogne, Scènes de Mont de Marsan ; Le Nombril du Monde, Pougne-Hérisson