L’autobus
T13 / Bibliothèque
Dans un bus délabré, branlant, un voyage surréaliste de neuf passagers embarqués malgré eux par un chauffeur invisible et omniprésent. Le voyage forcé de ce microcosme vers une destination inconnue, va friser la catastrophe.
Victimes de ce manipulateur, les mesquineries et lâchetés des uns et des autres vont aller jusqu’à provoquer le pire.
Grande métaphore du régime communiste bulgare des années 80, L’Autobus manie avec jubilation l’humour, l’absurde et la dénonciation.
Les passagers, en prise avec la tyrannie du chauffeur, vont finir par s’insurger contre les dogmes du système, incarnés par le Raisonnable, l’un des passagers. Au moment où ils vont tenter de se révolter, le chauffeur s’arrête et fait demi-tour pour revenir à la case départ, neutralisant l’émeute. Tout rentre dans l’ordre…
Dans un univers de bande dessinée, le spectacle est porté par un choral d’acteurs, prisonniers dans une machine bringuebalante qui roule à toute allure : virages serrés, accidents frôlés, sauts, cahots, secousses, coups de freins brutaux, tonneaux, têtes à queue… le bus roule à toute allure… vers l’enfer ? La vie a peu de valeur et encore moins de sens dans cette société, où les individus sont emmenés, malgré eux par l’incohérence d’un pouvoir, à la dérive… période qui apparaît menaçante et chaotique, où chacun tente désespérément de sauver sa peau.
Générique
L’Autobus
texte Stanislav Stratiev
mise en scène Laurence Renn Penel
Avec
Raphaël Almosni (l’homme),
Lionel Bécimol (le virtuose),
Solal Forte (l’amoureux),
Gabrielle Jéru (l’amoureuse),
Laurent Lévy (le raisonnable),
Natacha Mircovich (la femme),
Gall Paillat (le déraisonnable),
Christophe Sigognault (l’irresponsable)
Marc Ségala (le paysan)
Traduction Athanase Popov, Adaptation Laurence Renn Penel, Collaboration artistique Sophie Mayer, Scénographie/lumières Thierry Grand, Costumes Cidalia Da Costa, Coiffures Julie Poulain, musique Stéphane Scott, Assistante mise en scène Elise Lebargy
Production Renn Compagnie, avec la participation artistique du Jeune Théâtre National et le soutien de l’Adami.
Remerciements Jean-Pierre Worms
Note d’intention
Bien que ce soit une métaphore du régime communiste bulgare des années 80, le texte est un miroir de notre société, où chacun accepte l’inadmissible tant qu’il ne perd pas ses privilèges et ses acquis. Reflet d’un monde enfermé dans l’individualisme, la méfiance, la manipulation et l’indifférence sont les ingrédients qui engendrent violence et agressions.
Nous voulons du changement mais ne sommes pas prêts à changer. Même si nous allons dans le mur, nous restons accrochés à nos peurs et nous cautionnons la folie dans laquelle nous embarquent les hommes de pouvoir, par lâcheté ou confort individuel. Même si certains tirent la sonnette d’alarme, nous allons accuser l’extérieur, accrochés à nos principes, par peur de l’inconnu.
Cette parodie sociopolitique met l’accent sur les dérèglements de notre époque – Le Pouvoir, représenté par le chauffeur du bus, décide de changer de direction au gré de ses états d’âme. Les passagers s’en remettent aux subterfuges proposés par le Raisonnable (genre de sous-fifre du pouvoir), au lieu de s’unir et de coopérer pour trouver une solution. Mais le bus va à un train d’enfer, toujours de plus en plus vite. Toutes leurs combines ont échoué, le conformisme va les paralyser dans un suivisme qui ira jusqu’à l’ignominie. Personne ne voudra prendre le risque de s’insurger ou de s’exposer face à cette « haute autorité ». La peur va leur faire faire n’importe quoi. Même l’irréparable. Acculés, ils choisissent un bouc émissaire pour se décharger de leur impuissance et de leur effroi.
La pièce démontre à quel point la lâcheté des uns et des autres nous empêche de résister face à une situation délirante jusqu’au moment où, frôlant la mort, paniqués, tous vont s’unir pour le lynchage de l’un d’entre eux.
Sujet fort traité sur un mode burlesque et clownesque, il a un effet loupe de nos travers. Comment ne pas être en empathie avec ces personnages… nous rions car la situation est absurde, mais cette satire dénonce avec férocité et humour comment l’homme peut devenir servile avec un manque total d’intelligence collective.
Aucun des passagers n’échappe à cette folie du sauve qui peut, à part l’Amoureuse qui représente l’Espoir. Quant à l’Amoureux qui symbolise la jeunesse, il se fait lui aussi gangrener par les considérations des uns et des autres en acceptant que sa fiancée se prostitue au lieu de lutter contre cette tyrannie
Au final, le Pouvoir les remet « sur le droit chemin » et tout rentre dans l’ordre. La rébellion a été tuée dans l’œuf, rien ne va changer.
Hébétés, les passagers ne se posent pas la question sur ce que signifie ce retour. Tous ont tenté désespérément de sauver leur peau, aveuglés par excès de vanité et d’avidité, et, par manque de courage et d’humanité, embarqués malgré eux par l’incohérence d’un pourvoir à la dérive.
Formée à la technique du clown, ma direction d’acteurs s’appuie désormais sur cette technique afin d’emmener les comédiens vers un espace de jeu où l’émotion et la sensation sont la matière première de la création.
Je désire diriger les acteurs autour d’un travail choral et clownesque afin de toucher au sensible et au tragique de chacun d’entre eux. L’émotion peut surgir et le « pathos » se trouve mis en échec.
Je travaille sur le déséquilibre : physique et mental. L’un répondant à l’autre pour illustrer de façon clownesque la lâcheté des uns et des autres en situation de crise et de danger afin de permettre aux acteurs d’oser le ridicule dans les accidents et imprévus de ce parcours délirant.
Laurence Renn Penel
Stanislav Stratiev
Après avoir fait des études de Lettres à l’université de Sofia, Stanislav Stratiev (1941 – 2000) a d’abord été journaliste avant de s’orienter en 1976 vers la dramaturgie. Il est connu en Bulgarie pour ses nombreux récits et pièces de théâtre satiriques. Grand nom de la littérature bulgare des trois dernières décennies, ses premières œuvres sont souvent associées au genre dit du « théâtre de l’absurde ». Il a écrit pour le théâtre, la radio, la télévision et pour le cinéma.
L’Autobus a été écrit en 1980.
De 1975 jusqu’à sa mort, il a été directeur littéraire du Théâtre Satirique à Sofia.
» Pendant des décennies, d’abord en Union Soviétique et après la deuxième Guerre mondiale dans les pays d’Europe de l’Est, le rire a été une forme de résistance…
Même si on commence par rire devant la situation ridicule dans laquelle se trouvent les passagers de l’Autobus, au fur et à mesure que la pièce se déroule le rire est remplacé par la perplexité… On croit rire d’un défaut mineur d’un personnage anonyme et brusquement on a la révélation que derrière ce défaut se cache, concentrée, l’aberration de tout un système social… L’univers décrit ici n’a aucun rapport avec nos idées traditionnelles sur la normalité de l’homme et de la société. C’est un monde insupportable, échoué, où rien ne fonctionne que les tics d’aliénation.
Si le théâtre de l’absurde s’appuyait sur une convention dramatique qui nous assurait une distance assez confortable avec la réalité, la satire que nous propose Stanislav Stratiev est une prise de contact en direct avec l’absurde ». Mateï Visniec (Dramaturge franco-roumain)
Note du traducteur
«Stanislav Stratiev a un talent de visionnaire, L’Autobus est même une pièce prémonitoire. Pour situer le contexte historique, il faut rappeler qu’à la fin des années 1950, l’opposition au Parti communiste a été totalement neutralisée, quand elle n’a pas été physiquement éliminée. À partir des années 1960 se développe en Bulgarie un phénomène de « servitude volontaire » (l’expression de La Boétie a été appliquée au cas bulgare par Tzvetan Todorov) caractérisé par une absence presque totale de dissidence idéologique organisée, même si les conditions objectives le permettent. En effet, la répression en Bulgarie est moins sévère que dans les autres pays communistes entre les années 1960 et 1989. La critique passe surtout par le mode de vie, le style vestimentaire, la consommation culturelle, mais rien sur le terrain de l’action collective. C’est dans ce contexte que Stratiev imagine ce que pourrait être une révolte populaire. Il imagine aussi que même si celle-ci se produit, elle risque de ne pas aboutir ou d’être récupérée par le pouvoir. » Athanase Popov
Revue de presse
Les caractères des passagers sont bien typés et Laurence Renn Penel joue la carte vintage : costumes, maquillages et coiffures collent à l’époque des années 80 tendance clownesque. La scénographie de Thierry Grand est épatante : une carlingue de bus aux multiples ressources (sièges qui se retournent, simulation de fenêtre,…) et aux allures de train fantôme.
Embarqués dans ce bus en folie, les comédiens jouent formidablement le jeu, simulant les secousses, les virages. Un joli travail choral. Le Journal du Dimanche
Le rire grince comme les essieux et le brusque retour à une apparente normalité laisse le public plein de courbatures. Chacun compte ses abattis, nul ne sort indemne d’une clownerie de l’absurde qui résonne avec tant de justesse à l’intime des pusillanimités de toute époque. Spectacle sélection
On ne peut que saluer la performance des comédiens qui se donnent à fond. Merveilleusement dirigé par Laurence Renn Penel, ils sont d’une précision, d’un engagement, d’une efficacité formidables. Pas un temps mort, une présence forte de tous sur le plateau, pas une seconde, comme on peut le voir souvent, où ils ne sont pas dans leur personnage. Un beau travail qu’il faut saluer. Le Figaroscope
Le bus, plateforme métallique inclinée et montée sur ressorts, qui oscille au gré des mouvement des neuf voyageurs est à lui seul un plaisir visuel. Les effets de lumière et sonores, pour marquer la vitesse, la course folle, les risques d’accidents sont remarquables.Tout autant que le jeu des comédiens, que l’on peut situer sur les chemins de la prouesse physique, du clown, du mime, de la farce, de l’émotion, de la tendresse… L’Humanité
Le spectacle est porté par un choral d’acteur époustouflant dont le jeu passant du sensible au tragique nous tient en haleine. Comment ne pas être en empathie avec ces personnages… nous rions car la situation est absurde mais cette satire dénonce la manière dont l’homme peut devenir servile et manquer d’intelligence collective. Toute la culture
L’Autobus dénonce autant l’absurdité du système communiste que le manque de courage et l’absence totale de solidarité des passagers. Propulsé par une mise en scène inventive et 9 comédiens performants, L’Autobus s’avère un des spectacles les plus aboutis de cette rentrée théâtrale ! En outre, le théâtre de Stratiev est très peu connu en France. C’est l’occasion à travers ce désopilant texte sur la mesquinerie humaine et l’aberration politique de découvrir un auteur majeur du XXe siècle. Le Blog de Phaco
La fable tend habilement vers l’absurde revêtant par la subtilité de la mise en scène juste ce qu’il faut d’étrangeté pour que le portrait ne soit pas trop grossier. Les acteurs eux s’en donnent à coeur joie avec ses personnages qu’on adorerait détester, il s’amusent follement dans cette course effrénée, mais apportent également dans leur interprétation la dimension grinçante de cet humour acerbe, typique des écritures d’Europe de l’est. Une proposition originale à découvrir. Théâtres.com
Un pur moment de plaisir, donc, où la virtuosité des comédiens, le charme du décor et des lumières, la mise en scène ingénieuse mais pas prétentieuse servent à merveille un texte délicieusement absurde plus profond qu’il en a l’air. Sincèrement, ça fait un bien fou.Theatrelle.com
Si le travail sur les corps s’approche de celui des clowns, Laurence Renn Penel, la metteure en scène réussit à rester sur le fil qui évite de tomber dans un univers clownesque. On est dans un burlesque qui entre en collision avec la cruauté croissante des situations. Elle dirige avec beaucoup de précision le travail choral des acteurs pour réussir ce décalage entre une situation pleine de dangers et le ridicule de l’attachement de chacun des passagers à son confort et à son intérêt. Dans cet univers cruel seule la jeune amoureuse échappe à la lâcheté de tous. Le travail choral des acteurs est particulièrement réussi et assure une soirée où le rire noir parvient à nous arrêter dans cette course à l’abîme. SNES FSU
S’appuyant sur cette thématique, Laurence Renn Penel a conçu une mise en scène ubuesque : sur un plateau nu relativement sombre, elle a demandé à Thierry Grand de créer une immense carcasse de métal faisant office de bus. Assis sur cette plateforme à ressort, les comédiens exécutent leur partition durant une heure trente en faisant preuve d’une synchronisation fabuleuse: projetés de droite à gauche au rythme des virages, ils maîtrisent la voltige, le timing et l’humour ! Grâce à leur endurance et à leur complicité, les conversations s’enchainent, les gestes se répondent, les chants patriotiques s’élèvent, les conflits se multiplient et la pression monte. Sympanews
Revue de presse lors de la création en 2007 dans le cadre du Festival OFF d’Avignon
On dirait une cage qui ressemble à un bus. On dirait un bus qui ressemble à une cage. Le véhicule embarque des voyageurs qui composent une micro société. Reste le chauffeur invisible et surtout imprévisible dans sa conduite.
Les tentatives des passagers d’influer sur les caprices du timonier illustrent les diverses manières de composer, de se compromettre avec le pouvoir. Quant à l’opposition encore faudrait-il que les luttes collectives supplantent les égoïsmes de tous bord. Stanislav Stratiev propose une fable limpide sur les barrières quasi inaccessibles qui séparent les peuples de leurs dirigeants.
Ces considérations hautement politiques sont restituées par une interprétation clownesque qui transforme ce voyage en chaos aussi burlesque que judicieux. Michel Flandrin – France Bleu
Ne ratez pas cet « Autobus ». […] Cette pièce de Stanislas Stratiev, d’une drôlerie décapante, en dit plus qu’un savant pamphlet sur les « joies » du collectivisme. Quant au jeu des comédiens, c’est bien simple, il nous transporte. Aujourd’hui
La mise en scène, d’une précision diabolique, accentue les chaos d’un pays jugulé, en variant les rythmes de ce voyage cauchemardesque. […] Tous les comédiens, mi clowns miséreux, mi pantins hirsutes interprètent avec un métier sûr, une maîtrise corporelle étonnante, ces êtres humains absurdes auxquels ils donnent une profonde humanité. On est touché. On pense qu’heureusement le sujet est démodé. On sort du théâtre où les parias de notre société nous ramènent à la violente réalité de l’exclusion. Certes le Mur est tombé mais les marionnettes des pouvoirs ont envahi toute l’Europe. Glaçant et hilarant. La Marseillaise
Voyage sans fin dans un pays de l’Est… La pièce de Stanislas Stratiev égratigne en filigrane un régime autoritaire. Il fait de la satire une arme absolue contre l’absurdité bureaucratique, le pouvoir manipulateur et tout puissant et l’absence de perspective dans une société fermée. Le texte est drôle, le ton des comédiens, tous excellents, est juste. Dans cette « folie » d’une journée presque ordinaire ils ont le talent d’éviter l’outrance qui risquerait de faire capoter le réalisme poétique d’un spectacle qui a le don de divertir en suscitant prise de conscience et réflexion. F. Persillon – Midi libre
Le conducteur de l’Autobus décide de tout. Le bus s’égare sur des routes sinueuses et chaotiques. Les passagers sont inquiets. Ils sont secoués, bousculés d’un côté de l’autre du bus bringuebalant qui fonce vers une destination non identifiée… Métaphore des pays totalitaires… Les personnages sont des gens ordinaires avec leurs faiblesses, leurs bassesses mais aussi leur courage… Ils sont particulièrement hauts en couleur, cocasses, gesticulant, presque dansant comme dans les tableaux de Chagall ou les films de Emir Kusturica… La mise en scène est si bien réussie et le jeu des acteurs si plausible, que nous sommes comme au cinéma, témoins directs de cette folle aventure. Nous sentons les creux, les virages, les coups de frein qui font glisser les comédiens avant qu’ils ne puissent s’accrocher aux barres providentielles des porte-bagages. Le conducteur, on ne le verra pas, mais gageons qu’il ne sera pas difficile de lui appliquer bon nombre de physionomies. Claude Kraif – Revue-spectacle.com
Extrait vidéo
Rencontre
Rencontre avec Laurence Renn Penel (mise en scène), Svetlin Stratiev (fils de l’auteur), Athanase Popov (traducteur) et l’équipe artistique dimanche 21 janvier 2018 après la représentation
Garde d’enfants
Garde d’enfants contée dimanche 28 janvier 2018 pendant la représentation