La grande valse brillante
T13 / Bibliothèque
Simon Weber, historien, effectue une recherche sur un officier qui a participé à une insurrection quand, un jour de beuverie, il est interné dans la clinique psychiatrique
«La Liberté rend libre»… Qu’est-ce qui se
joue dans nos rapports humains ? Quels
sont nos désirs intimes ? Sommes-nous si
différents ? Comment vivre ensemble ? Qui
pose les limites et où se trouve la liberté ?
Générique
Pièce inédite en 3 actes traduite du slovène par
Andrée Lück-Gaye et Zdenka Stimac
aux Editions l’Espace d’un instant
Mise en scène Soleïma Arabi
Dramaturgie Audrey Liebot
Costumes et scénographie Soleïma Arabi et Lou Delville
Régie et création sonore Antoine Michaud et Grégoire Terrier
Avec
Arnaud Bichon,
Logan de Carvalho,
Anaïs Chartreau,
Xavier Delcourt,
Nicolas Marsan,
Pauline Méreuze,
David Perrin,
Florian Westerhoff
Production TERMOS. Avec le soutien de la Maison d’Europe et d’Orient, de Mains d’Oeuvres dans le cadre des résidences SOS et de la Factorie-Maison de la Poésie de Val de Reuil. Prix de la traduction par le Centre National du Théâtre en 2014.
Note d’intention
La Grande Valse Brillante est une pièce contemporaine qui sonne comme un grand classique, un drame à l’humour noir, sur les thèmes déjà usés de la folie et du pouvoir. L’écriture fine de Jančar dévoile une galerie de personnages complexes en situations de jeux très riches avec des échanges savoureux. C’est sombre, certes, mais c’est une grande farce de l’Histoire, qui glace comme le reflet d’une société actuelle où quand les discours s’éloignent avec autant de ridicule des réalités, l’absurdité atteint des sommets.
En bref, Simon Weber effectue une recherche sur un officier qui a participé à une insurrection quand, un lendemain de beuverie, il se retrouve interné au sein d’une institution au fonctionnement autoritaire et absurde : la clinique « La Liberté rend libre ». C’est un chaos organisé au sein duquel officient des experts, un docteur, un surveillant, un religieux…Diverses fonctions sociétales emblématiques. Des violences légitimes et des conflits de pouvoir auxquels les internés se trouvent assujettis. Ceux-là même reproduisent individuellement et en groupe des comportements d’asservissements, de domination ou d’humiliation. Ce qui nous intéresse ici c’est de savoir à quels moments ça bascule ?
Quels sont les décalages dans le rapport au réel et les changements dans les rapports de force ? Qu’est-ce qui les fondent et comment opèrent-ils ? C’est la problématique de l’organisation d’un groupe d’individus, sur « comment faire société » ? Tout cela en scène dans un hôpital où les vérités et les folies se confondent, où l’on perd nos repères, on ne sait plus très bien ce qui est bon ou pas pour une société, une communauté. Donc on se re-questionne vraiment.
La puissance métaphorique de Jančar nous plonge dans des réflexions profondes. Sa langue est poétique avec des traces bibliques sans âges qui font émerger des imaginaires parallèles. Il ne s’agit pas ici d’intellectualiser ou de pointer du doigt tel pays, telle histoire ou tel mouvement en particulier, mais se poser des questions. Et ressentir, dans les visages et les figures, les corps et leurs élans, l’urgence de penser et des sentiments passionnés. Et contrairement à ce que l’on pourrait penser, ce n’est pas lugubre. Il s’agit aussi de rire, de s’esclaffer de rire.
Mettre en scène La Grande Valse Brillante, c’est rêver de grands espaces habités par des personnes formidables. Ensemble, avec ce texte magistral, boxer dans des états de tensions extrêmes, être en communion au présent avec l’assistance. C’est un théâtre qui permet une immersion dans un univers fictif inspiré de faits bien réels. Il rend possible la parole à ceux qu’on enferme, qu’on ne veut ni voir ni entendre. Sommes-nous si différents ? Qu’est-ce qui se joue dans nos rapports humains ? Qu’est-ce qui nous rend fou et où sont les limites ? Plusieurs axes de réflexion sont à creuser : le rapport au présent et à l’immédiateté permanente dont ni le passé ni le futur ni les autres ne sauraient faire éclater la bulle ; et les assignations identitaires, l’injonction à se définir, à être le plus unique, le plus uniforme, le plus univoque possible, pour être le plus facilement identifiable, isolable, contrôlable et manipulable possible.
C’est un défi de direction d’acteurs qui auront à être, en densité et en sincérité, eux-mêmes, des humains trop humain, des hommes poilus, des femmes géniales, des monstres gentils et des anges rebelles. Pour se hisser, dans la démesure et la finesse, au delà d’une vulgaire interprétation de la vie dans un hôpital psychiatrique. Ce sont des figures perdues dans des abimes de métaphores, dans le rêve, de pouvoir, de liberté. Des chercheurs d’un ailleurs enfermés dans leurs réalités. Nous travaillons sur le moi qui s’isole ou le désir d’être un autre, la dualité en soi, et avec les autres. Nous travaillons sur nos pulsions, sur l’animal imaginaire en nous, sur la métamorphose, l’impossibilité, le cauchemar, la force et la perte.
Soleïma Arabi