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Babacar

texte et mise en scène Sidney Ali Mehelleb
Du 25 au 25 septembre 2014
T13 / Bibliothèque
1h30

BABACAR ou l’antilope

Texte et mise en scène Sidney Ali Mehelleb.
Assistant à la mise en scène Victor Veyron.
Musique César Van Den Driessche

Lauréat de l’aide à la création du CNT – Session Novembre 2013

Restitution « en l’état » (lecture, extraits, présentation) d’un temps de répétition au Théâtre 13, moment précieux de rencontre entre un travail en cours et les spectateurs. Entrée libre sur réservation.

Avec
Adama Diop
Marielle De Rocca Serra
Vanessa Krycève
Eric Nesci
César Van den Driessche
Victor Veyron
Myriam Yven

La respiration haletante d’un homme et d’une femme reconnaissant leurs souffles sur un quai de métro parisien alors que des milliers de kilomètres de terres, de frontières les séparaient dès la naissance. Babacar et Gina, Gina et Babacar. Autour d’eux, un monde absurde, incompréhensible. Des identités se croisent sans un regard, et pourtant tout se joue ici et là en un instant. Une symphonie de la rencontre improbable. Voilà ce qu’est Babacar ou l’antilope. L’histoire d’une course à travers les frontières séparant la très vieille Afrique et la très vieille Europe. Une symphonie, un hymne à la terre sur laquelle nous marchons tous et qui pourtant nous différencie selon la règle immuable de la possession.

Extraits du texte

MA TERRE.
C’est ici, chez moi. Ici, chez toi.

Ne t’avises pas d’y mettre les pieds, ton temps serait compté.

Du jour où les frontières furent inventées puis dessinées.
Qui se souvient ?
Mortelles frontières sans cesse défaites, refaites.

Quel est ce jeu où la terre t’appartient ?
Je suis ici chez moi, ne t’avises pas d’y pénétrer,
Qui sait où tu mettrais les mains, les pieds, ton corps, ta bouche, ton esprit, ton âme, ton être ?

J’ai souvent essayer de toquer à ta porte. Personne ne répondait. J’ai pris le peu de chose qui m’appartenait vraiment, puis je suis parti. J’ai traversé les terres, les océans, les mers, heureusement, jamais je ne me sentais chez moi. Avais-je un chez moi ? Y avait-il un lieu où je pouvais prétendre être chez moi ? Existe-t-il une terre que je puis posséder ? Refuser qu’on y entre ?
Malédiction à celui qui se fraierait un chemin vers mon lieu !
Ses larmes sentiraient la poudre.

Cette terre est à moi.
J’écris l’histoire des frontières, et rien, ni personne ne pourra gommer ce dessein.

Histoire de décrire,
Tu pourrais y entrer, alors je pourrais, sans vergogne, t’y faire sortir les pieds devant.
Dans le meilleur des cas, aucune place ne t’y sera faite.

Je pourrais hurler tendrement qu’entre ces murs barbelés, c’est ici chez moi…


Note de l’auteur

Genèse du texte

C’est un moment très simple. Il y a maintenant quelques années, je regardais un documentaire sur les passages illégaux à la frontière de Ceuta. J’ai été hanté par certaines images, dont une. Il y avait une image infrarouge, donc filmée de nuit, d’un nombre important de jeunes africains courant pour passer la frontière entre le Maroc et l’Espagne. Ils couraient dans un sens et les balles volaient de l’autre, en atteignaient certains, d’autres passaient à travers les rafales… Au début, je ne comprenais pas ce que je regardais. Je pensais à des images de fictions, je ne sais toujours pas pourquoi j’ai eu ce réflexe. Puis, j’ai vite compris qu’il n’y avait là aucune distance, les images étaient brutes. Quelques jours après, je voyais un autre reportage sur ces passages de frontières mais cette fois-ci sur la mer, en canaux. Autre manière de ne plus comprendre, ce qu’est une frontière. Un jeune sénégalais parlait de ses différentes expériences, je l’écoutais et derrière ces mots, je voyais le fossé qui me séparait de lui. Je l’ai trouvé beau malgré la dureté de ces expériences successives, son visage marqué et surtout son sourire surréaliste. C’était un choc émotionnel qui m’intriguait. Il avait toujours le sourire et n’abandonnerait jamais. J’ai commencé à écrire, quelques jours après, les premières scènes du passage à la frontière. Toutes se sont mises en place naturellement. Quelques mois plus tard, j’allais voir ma famille à Marseille, je devais pour un déménagement faire un tri dans mes cartons de lycéen… quel étonnement de tomber sur de vieux cahiers remplis de textes concernant ces passages aux frontières ! Là est l’inconnu pour moi. Quelles sont les raisons qui au lycée, m’ont poussées à écrire sur la frontière et ceux qui les traversent « illégalement » ? Je ne me souviens d’aucun fait pouvant engendrer ces écrits. Pourtant, les traces sont là. Étant d’origine algérienne, je fais certains rapprochement avec des expériences familiales, des liens se font mais je ne peux pas plus expliquer mon besoin d’écrire et porter sur une scène cette histoire.

L’écriture de Babacar ou l’antilope n’a jamais été dissocié de la scène. C’était évident. Je suis acteur en premier lieu. Mon expérience du plateau ne se dissocie pas de mes envies de lier l’écriture et la mise en scène. Je vois ça comme trois marathoniens qui se tirent la bourre malgré les longs kilomètres à parcourir. J’imaginais le spectacle en écrivant. Plus j’écrivais, plus je laissais place à autre chose que la thématique des sans-papiers ; il a vite été très clair que ce ne serait pas un plaidoyer pour défendre cette cause. C’est là qu’intervient la deuxième partie du titre, la référence à l’antilope. Un animal sans territoire. C’est assez rare pour le préciser. Il était important pour moi de mettre au cœur de cette histoire le rapport à la terre, au territoire que ce soit à l’écrit et comme je l’espère bientôt au plateau. L’antilope est arrivée par ces envies de courses que j’avais à l’époque, j’allais souvent courir et ce besoin m’interrogeait. J’entendais des commentateurs sportifs parler de Marie Josée Pérec, de Usain Bolt ou d’autres, les comparant à des gazelles ou des antilopes. Je me suis donc penché sur ces dernières et j’ai été fasciné. Je me suis dit qu’il serait beau, en imaginant le spectacle, de rapprocher Babacar et l’antilope et de construire autour. L’antilope est sans territoire et bouge selon ses envies, ses élans. Cela créé des moments très simples de joie et d’autres moments plus tendus avec certains animaux qui eux, en possèdent un.



Note d’intention

NOTE D’INTENTION

Pourquoi monter cette pièce aujourd’hui ?


Plus que jamais une révolte profonde et sourde qui m’habite. À qui appartient la terre ? Aucune réponse, si ce n’est les sensations d’une histoire racontée par une troupe d’artistes, eux-mêmes de tout horizons. Un idéal, peut-être idiot, mais auquel j’ai envie de croire par dessus tout. L’art abolit les frontières. Une union artistique pour donner aux spectateurs l’envie de regarder le monde différemment.

Ce spectacle ne pouvait être qu’une création totale.

Le texte.
LE SOUFFLE.
Un texte découlant de l’époque dans laquelle nous errons et dans lequel la beauté et la laideur se côtoient. Après mon aventure mêlant l’écriture et la mise en scène sur la création des Pirates Rescapés libre suite d’après Peter Pan, j’étais emballé par le fait que les spectateurs pensaient venir voir les aventures de Peter Pan, celles qu’ils connaissaient. Je voulais donc trouver une histoire qui les embarquerait hors des sentiers battus.

Pour Babacar ou l’antilope, je désirais  garder cet élan. Voilà donc un texte sans référence, si ce n’est le monde qui se créé devant nous, à chaque instant. Un texte que j’ai voulu rapide comme une balle de fusil, de tennis, de ping-pong… Un texte transpirant à grosses gouttes. Un texte mêlant le tragique et la bouffonnerie.

La mise en scène et la scénographie.
LA FRONTIÈRE.
Un rêve peint entre tragédie et bouffonnerie, où se mêlerait sur un tableau des personnages de Marc Chagall et d’autres de Brad Holland. (cf. les tableaux et les illustrations)

Je veux mettre la frontière au cœur des sensations, sensations de séparations physiques et mentales. Les spectateurs se feront face dans un système scénique bifrontal. Ce dispositif  donnera un axe principal de jeu pour les acteurs et le spectateur aura le regard et le corps actifs pour aller chercher les échanges d’un côté ou de l’autre de la scène. Pour moi, cette ligne est primordiale car au début de la pièce, Gina et Babacar seront chacun aux extrémités de celle-ci, dès lors le fil tendu entre eux sera l’enjeu de notre histoire.

Pour matérialiser cette frontière, nous travaillerons en scénographie sur un sol en relief et mouvant. Les matières sur lesquelles les acteurs marcheront, seront différentes pour marquer physiquement des changements de lieux, d’atmosphères et de sensations… Mouvant car le dispositif des différents sols pourra être modulable et transformable.

Les quatre éléments seront également présents et palpables. Se tenir debout, courir sur la terre et ramper. Le feu brûlant les mots et les peaux. L’air soufflant dans les bronches se transformant en bourrasques, l’air comme terrain d’envols. L’eau comme frontière physique naturelle, l’eau comme transpiration des corps.

Le spectacle aura ceci de particulier, il mêlera deux univers très différents mais qui au bout du compte s’éclairent mutuellement. Il y aura un va-et-vient perpétuel entre un jeu « réaliste » et un jeu « bouffon » car la pièce est écrite ainsi. La surprise du bouffon au coin de la rue, sous la terre, derrière un écran de verre, sur son perchoir… partout.

Cet univers scénique, je l’espère, soulignera le paradoxe de l’humanisme qui selon les époques, les discours et les envies, nous chahute.

Le jeu.
LA TRANSPIRATION.
Les acteurs qui m’entourent, ont une énergie démesurée et une conviction profonde de la force des histoires de notre temps. Le spectacle et leurs jeux passeront du « réalisme » au « bouffon » comme cette sensation qui nous envahit lorsque au détour d’une rue les événements sont d’une immense beauté et d’une toute aussi grande laideur.
Comme un élastique que l’on tire sans savoir où il se déchirera et s’il se déchirera, je pousserai les acteurs jusqu’à la transpiration, à l’instinct du corps.
Certains acteurs joueront plusieurs personnages, il passeront sans cesse d’un code de jeu « réaliste » à celui du « bouffon ».

Les costumes.
LA MÉTAMORPHOSE.
Il y aura deux univers de costumes bien distincts. Ceux de l’histoire centrale, puis ceux des bouffons. Ils auront des résonances certaines et appuieront les métamorphoses des acteurs entre le « réalisme » de l’histoire centrale et les scènes de « bouffonneries ». Comme je disais ci-dessus, nous nous inspirerons des tableaux de Marc Chagall, de Brad Holland, mais également du tableau de la rue, de la ville, celle que nous foulons tous les jours.

L’univers sonore.
LA TRAVERSÉE.
Il y a quelques temps, dans le métro parisien, passant d’une correspondance à une autre, au détour d’un couloir, je tombe nez à nez sur instrument à la fois percussif et mélodique.
Le HANG. Il évoque en moi la traversée, les déplacements, les exils, les exodes. Toutes sortes de voyages. C’est pour cela que je l’ai choisi comme instrument de base pour l’univers sonore du spectacle. Cela me parût évident. Un flash.
L’univers sonore sera produit en direct car un des acteurs jouera de cet instrument extraterrestre.
Le HANG est proche du souffle, des pulsations cardiaques mais également de la musicalité des corps.

L’auteur / metteur en scène

SIDNEY ALI MEHELLEB

Sidney Ali décide de se consacrer pleinement au théâtre en 2001. Il entre à l’Ecole du Studio Théâtre d’Asnières et intègre la Compagnie Jean Louis Martin Barbaz pour jouer dans La Cuisine d’Arnold Wesker, Dom Juan de Molière et Du rires aux armes (cabaret), spectacles mis en scène par J. L. Martin Barbaz. Il y rencontre le chorégraphe Jean Marc Hoolbecq qui le dirige dans Nocturne Urbain (spectacle de danse théâtre) et Yveline Hamon qui le met en scène dans La Cour du Lion d’après Les Fables de La Fontaine et les mémoires de Saint Simon.

Il rencontre Valérie Castel Jordy qui le met en scène dans Follement Gai d’André De Baecque et Le Chant du Dire-Dire de Daniel Danis, spectacles de L’Explique-Songe. Compagnie pour laquelle, il a écrit, mis en scène et interprété Les Pirates Rescapés et Le Ventre et La Pendule, libres suites d’après Peter Pan de James Matthew Barrie. Pour cette compagnie, il met en scène Big Shoot de Koffi Kwahulé et anime de 2004 à 2008 un atelier-théâtre en centre de jour psychiatrique.

Au gré des rencontres, il joue dans la création de la Cie Lavomatic, Une Nuit Arabe de R. Schimmelpfennig mis en scène par Adrien Béal. Il est dirigé par Côme De Bellescize dans Les Enfants du Soleil de Maxime Gorki, création du Théâtre du Fracas. Il participe à un stage de jeu avec l’auteur et metteur en scène Wajdi Mouawad. Il a joué dans BRAQUO, la série d’Olivier Marchal réalisée par Frédéric Schoendorfer. Il tourne plusieurs courts métrages réalisés par Benjamin Davidowicz, Charles Redon, Sofiane Mehelleb, Éric Wattine et Loïc Adrien. Il pratique les claquettes avec Philippe Roux, Tom Draper et Romain Hotto. Il se forme à l’escrime théâtrale, aux combats, et cascades avec les maîtres d’armes François Rostain et Patrice Camboni.

Depuis 2010, il joue sous la direction de Laurent Pelly dans Les Aventures de Sindbad Le Marin de Agathe Mélinand.

A ce jour, Sidney a écrit cinq pièces : ICHAM, Babacar ou l’antilope, Un arbre pousse dans le cœur des géants, Les Pirates Rescapés et Le Ventre et La Pendule (ces deux dernières pièces sont écrites d’après Peter Pan de James Matthew Barrie).



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